Missions civiles pour la protection du peuple palestinien

27 février

 

Naplouse - Al Qods (Jerusalem)

Départ de Naplouse, nous laissons derrière nous une ville à l'ambiance lourde où les forces israéliennes occupent déjà tous les points stratégiques autour du camp de Balata. Deux jours plus tard nous apprendrons le déclenchement de l'attaque israélienne sur le camp ainsi que celui de Jénine. Comme à chaque fois le gouvernement israélien prendra prétexte d'une attaque ou d'une action suicide pour justifier le déchaînement de la violence contre la population du camp. En réalité comme le démontre l'occupation des points stratégiques autour du camp de Balata dans les jours qui ont précédées l'attaque, cette action était planifiée de longue date et le gouvernement israélien n'attendait que le moment le plus propice pour faire passer ce déchaînement de violence contre des populations civiles comme une réponse au "terrorisme palestinien". C'est en réalité un nouveau pas franchi dans l'escalade des violences quotidiennes, préméditées et réfléchies, faites à la population palestinienne par l'armée d'occupation et les colons.

 

En attendant, nous replongeons dans l'humiliation et l'absurde, au barrage de Tel entre Naplouse et Jerusalem, c'est 4 km que tous les palestiniens doivent parcourir à pied avec charges et enfants. L'ancienne route, ravagée par les engins de terrassement de l'armée à maints endroits ne permet plus que le passage des piétons et des ânes.

A mi-chemin l'armée israélienne s'est aménage un fortin d'où elle contrôle la piste et y tient ses blindés et véhicules de chantier prêt à intervenir au cas où des palestiniens tenteraient de contourner un barrage en créant un passage pour les véhicules à travers champs pour raccourcir un peu la distance à parcourir à pied....

Quelques instants plus tard, peut-être gênés par notre présence et nos photos un blindé venu du fortin viendra chercher ces soldats qui contrôlait la piste

 

Le dernier barrage de terre franchi nous retrouvons les taxis collectifs, celles et ceux qui s'apprêtent à faire le chemin en sens inverse et .... les marchands de boissons.


Tentative de destruction du système éducatif

En fin de matinée, nous arrivons au lycée de garçons d'Al Ram. En Palestine, il n'y a pas de mixité dans les établissements scolaires.
Les jeunes sont très nombreux dans la cour à l'heure où ils devraient être en classe. Le directeur nous accueille. Il explique les nombreuses difficultés rencontrées ici comme dans toutes les écoles :


" Toutes les écoles du monde ouvrent à huit heures. Ici, à cause des barrages et des check-points beaucoup d'élèves arrivent en retard ou pas du tout. Les parents appellent pour savoir si leurs enfants ont pu arriver. Aujourd'hui, plus de cinquante élèves sont absents, hier deux cents sur les quatre cents que compte le lycée et dix professeurs sur vingt-trois. Quelques enseignants dorment au collège. Élèves et professeurs sont inquiets et frustrés. Dans les écoles primaires, c'est encore pire : il faut faire accompagner les plus jeunes. Les soldats ne font pas la différence entre enfants et adolescents. Ils prennent plaisir à les humilier : insultes, coups…
" Dans une année scolaire, il y a deux cents-dix jours de classe. La première année de la seconde Intifada, il n'y a eu que cent-cinquante jours d'enseignement. C'est préjudiciable à la formation des élèves comme pour leur entrée à l'université. Il faut qu'ils étudient. Notre pays a besoin de gens cultivés. Ce sont eux qui auront à construire l'État. Ils peuvent se battre contre l'occupation à l'extérieur de l'école, mais ils sont là pour apprendre. Nombreux sont les garçons qui quittent l'école dans le contexte actuel, pour s'impliquer dans des actions de résistance. Cependant le lycée contribue à la formation civique en s'associant aux journées nationales, telles que la " Journée des prisonniers ", " La Journée de la Terre " ou l'anniversaire de la déclaration de l'État. La parole est également donnée chaque jour aux lycéens, le matin dans la cour de l'école ou chacun peut s'exprimer. Il existe aussi des comités d'élèves en liaison avec les enseignants et l'administration. "
Dans le débat le directeur est amené à parler les structures éducatives : les jardins d'enfants sont pris en charge par les ONG. La scolarité est obligatoire à partir de six ans, jusqu'à la Première (environ 16 ans). A côté des écoles publiques, il existe des écoles privées surtout dans les villes : écoles de l'UNRWA ( United Nation Relief and Works Agency for Palestinain Refugies), écoles religieuses…Les parents peuvent choisir l'établissement, mais ce choix est en réalité limité par la difficulté des déplacements. Les lycées sont spécialisés en sections littéraires ou scientifiques.
A l'issue de son exposé, le directeur nous fait visiter les lieux, notamment la salle informatique pourvue d'ordinateurs récents offerts par une association italienne.
En conclusion, nous retiendrons cette déclaration : " Malgré toutes les difficultés rencontrées, la Palestine est notre pays et aucune force n'arrivera à nous en faire partir ".

A 200 m de l'entrée de l'école un check-point hermétique tenu par l'armée...

 

50 m plus loin, c'est au tour de la police israélienne, les palestiniens ne peuvent passer qu'au compte goutte. Après négociations nous pourrons passer, mais nous devrons retourner négocier, après que notre hôte le directeur de l'école soit rester retenu par le flic de service...

Visite au camp de réfugié de Shufat

C'est le seul camp de réfugiés de Jerusalem. Il a été créé en 1965, regroupe les réfugiés du quartier marocain (devenu quartier juif) de la vieille ville et les familles de cinquante cinq villages des territoires de 48. Il est passé de 14000 à 22000 habitants aujourd'hui. C'est une ruine habitée. La pierre s'effrite, la tôle rouille, et les maisons poussent à la verticale, comme autant de geôles, puisque les autorités israéliennes interdisent tout développement horizontal. Des immondices pourrissent au soleil dans les rues, dégageant une odeur pestilentielle. La pauvreté est visible partout.

Ce camp occupe une position stratégique et est entouré de pas moins de cinq colonies. Il constitue un obstacle à l'extension du "Grand Jerusalem" que les israéliens souhaitent réaliser en rejoignant l'ensemble des colonies qui ceinturent Jerusalem. Le but de la manoeuvre étant d'isoler Jerusalem du reste de la Cisjordanie. Malgré toutes les pressions : blocus, chômage massif, maisons détruites, arrestations... Les réfugiés de ce camp refusent de partir et s'organisent.

L'autorité palestinienne étant absente ici, c'est un comité populaire et L'UNWRA (organisme des nations unies pour les réfugiés palestiniens) qui essayent d'organiser les services sociaux. L'UNRWA à ainsi créé une clinique, un ensemble scolaire (primaire + collège) pour les garçons et un autre pour les filles, et un centre d'activités pour la jeunesse (sport, culture sociale, etc...). De son côté le comité populaire a pu installer un Centre pour les femmes, un Centre de rééducation pour les handicapés et un jardin d'enfants.

Le jardin d'enfants

Ces associations essayent par l'intermédiaire de bénévoles de proposer des services en matière de propreté, d'environnement et d'eau.

En dépit de ces actions, la situation économique et sociale du camp reste terrible et ces discriminations sociales à quelques mètres seulement de Jerusalem sont ressenties de manière profonde. Le nombre d'emprisonnés et de martyrs est plus élevé encore ici qu'ailleurs...

 

A gauche derrière la forêt, le camp de réfugié de Shufat, au fond de la vallée à droite seize habitations du camp abritant 23 familles ont été rasées par l'armée israélien. au centre la colonie de Pisgat Zeev au trois quart inhabitée et dont l'extension marque la volonté d'encerclement de Jerusalem-Est par les israéliens.

Visite de l'hôpital Makassed

Nous sommes reçu par le docteur Khaled Qurie, directeur général de l'hôpital et chef du département de chirurgie.

 

L'hôpital est ouvert de puis 1967. C'est une fondation privé pour laquelle travaillent 122 médecins dont 40 spécialistes de haut niveau, 251 infirmières et infirmier et 609 employés. Les équipements sont donnés par des organisations internationales, le gros problème étant les frais de fonctionnement, pour lesquels personne ne paie, et encore le salaire des personnels est moitié moins élevé que ce qu'ils toucheraient à l'hôpital israélien "Hadassa" distant de quelques centaines de mètres. L'hôpital "Makassed" est un symbole à au moins trois titres :

- C'est le seul C.H.U. de Palestine et y sont formés de nouvelles générations de médecins avec une qualité reconnue.

- C'est un établissement d'envergure internationale, un jumelage entre les hôpitaux de Paris et l'hôpital Makassed est en court, un projet de liaison satellite permanente entre les hôpitaux devrait permettre d'effectuer des interventions en télé médecine. Le directeur nous déclare d'ailleurs avoir à son regret, plus de collaboration avec les hôpitaux français qu'avec les hôpitaux israéliens y compris "Hadassa".

- Ce centre hospitalier accueille les milliers de blessés graves de l'Intifada (plus de 2.500 blessés très sérieusement touchés) et soigne les prisonniers palestiniens libérés par Israël. Les familles les plus démunies trouvent ici des soins à un coût accessible à leur bourse.

En "connaisseur", le docteur Qurie nous montre les différents types de balles utilisés par l'armée et la police israélienne :

En haut de la photo ci-dessus, une "vrai" balle caoutchouc coupée en deux au cutter, destinées aux internationaux, aux pacifistes israéliens ou aux journalistes.

En bas à gauche de la photo, l'un des types de balles "plastiques" utilisées contre les "shebab" lanceurs de pierres, au centre la même débarrassée de son millimètre de plastique: une bille d'acier...

Entre les deux cartouches ayant tirées des balles réelles et en médaillon, un autre type de Balle "plastique" et son noyau d'acier. Ci-dessous le type de blessure occasionné par ces balles.

(source Union of Palestinian Medical Relief Comitte, http://www.upmrc.org)

Elles sont le " cauchemar des neurologues" qui doivent régulièrement extraire ce type de balle du cerveau de jeunes palestiniens qui restent paralysé à vie dans la plupart des cas.

Les balles extraites par les soins du Dr Qurie dans des boites au nom de chaque patient...

Les blessures, en majorité aux membres il y quelques années, sont maintenant beaucoup plus grave et se trouvent principalement au niveau du tronc et de la tête, signe d'une volonté délibérée de tuer ou de blesser gravement.

Les statistiques de l'occupation :

Pour la Cisjordanie entre le 28 sept 2000 et le 04 février 2002 ,16.316 blessés palestiniens ont été enregistrés :
28,9 % sont des enfants
32,4 % blessés par des tirs à balles réelles
64,9% ont été touchés sur la partie supérieur du corps.

Pour Gaza entre le 28 sept 2000 et le 07 août 2001, 4.279 cas enregistrés
57% sont des enfants
37% blessés par des tirs à balles réels
60% ont été touchés sur la partie supérieur du corps.
(Une estimation au 07 déc. 2001 par l'UNICEF donnait environ 7.000 enfants blessés)

Entre le 28 sept 2000 et le 27 fév. 2002 dans les territoires occupés 1.067 palestiniens ont été tués.
60,1 % par des tirs à balles réelles (5.56mm, 7.02mm, 9mm, calibre 50, 500 et 800mm)
22,4 % par des armes lourdes (tir de char, bombes et missiles tirés depuis des hélicoptères Apache et des chasseurs F16).
0,3 % par des balles " plastiques "
3,2% faute de soins médicaux adéquats.
0.9% par gaz lacrymogène
11.2% autre causes incluant explosions, choc avec des véhicules, arrêts cardiaques lors des attaques des forces israélienne.

Source HDIP, http://www.palestinemonitor.org

 

 

 

 

 

mise à jour le : 27 fév
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